Premier d’une série de trois : 2e partie3e partie.

Quand ma salle est chaude, bien réactive et que je sais pouvoir compter sur un public de commerciaux réceptifs et prêts au débat, il m’arrive de tenter cette petite expérience :

Avec énergie je scande bien haut et fort la question suivante : «LE VENDEUR VEUT … ? »

« VENDRE !!!» me répond instantanément la salle, comme un seul homme.

J’enchaine alors, avec le même pêche : « … et L’ACHETEUR VEUT … ? »

« ACHETER !!!» me renvoient encore plus dynamiquement tous les participants unis par le même grand sourire amusé.

Et c’est là que je leur réserve, avec délice, la mise en lumière d’un de nos plus gros problèmes en vente :

« Et bien NON ! Non, non et non les gars ! L’acheteur ne veut pas acheter, et c’est bien là tout le paradoxe de notre beau métier. L’acheteur veut … jouir de ce qu’il a acheté !»

Le point de débat est alors donné : Pour le client, Acheter n’est pas Jouir. C’est même parfois tout le contraire ! Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le droit fait une distinction aussi claire entre ce qu’est d’une part la possession et de l’autre la jouissance. C’est dans cette différence que se niche un énorme hiatus. Le vendeur se contente généralement de travailler au transfert d’une « propriété » alors que l’acheteur souhaite surtout obtenir la « jouissance » de ce qu’il vient d’acquérir. Voilà, le problème posé en ces termes prend une nouvelle dimension. Ceux qui me connaissent savent que je fais des parallèles constants entre la Vente et la Séduction, la Relation Amoureuse, et, pour cause, nous sommes empêtrés dans les mêmes mécanismes émotionnels dans l’une comme dans l’autre.

Aujourd’hui je vous propose de pousser la métaphore jusqu’à son paroxysme (hum-hum) et vous parler de ce problème infernal qui ruine la vie de nombreux couples vendeurs-clients :l’orgasme commercial asynchrone !

Pour un vendeur, l’objectif prioritaire qu’il conscientise depuis son début de carrière, c’est « vendre » donc engranger des commandes, faire du chiffre, faire signer les clients. Rien n’est plus doux à ses oreilles que le bruit du léger grattement de la plume qui trace « lu et approuvé » ou celui du déchirement sec et bien net d’un talon de chéquier, ou encore le triple bip nerveux du terminal de payement quand il affiche « transaction acceptée ». C’est à ce petit instant magique qu’il exulte intérieurement. De l’extérieur, à le regarder attentivement vous constateriez qu’un léger frisson lui parcourt l’échine, que ses pupilles sont soudain sensiblement plus dilatées et que son sourire est presque imperceptiblement plus large. A cet instant-là, le commercial jubile. Oui, il jouit ! Son boulot est fait, sa prime est acquise, ses lauriers sont prêts à être portés, le champagne est au frais (mais aux frais de qui, là est toute la question !) l’affaire est conclue ! Autrement dit par abus de synonyme, l’affaire est « finie ». L’orgasme du vendeur est toujours atteint dans cette fameuse phase dite de «conclusion » qui porte d’ailleurs si bien son nom depuis que Jean-Claude Duss s’en est servi pour évoquer un coït potentiel.

Donc, à cet instant précis le vendeur a eu ce qu’il voulait. Mais… pas l’acheteur ! Son plaisir aura lieu plus tard. Parfois bien plus tard, si il a lieu, d’ailleurs.  En l’état, son orgasme à lui n’est encore que potentiel. Et en l’attendant, le client a la désagréable impression d’avoir tout donné sans (encore) rien recevoir. Il a accompli sa part du deal. Il a payé. Ou il a signé, ce qui revient au même. Il a donc acheté, pour le grand bonheur du vendeur qui, confit dans sa joie, son plaisir consommé, s’endort et perd instantanément de vue une capitale évidence : Le client n’est pas satisfait par l’achat, mais bien par l’usage du produit ou du service acheté. Ce qu’il recherche c’est le produit de cette consommation. La vente, en tant que telle, n’existe pas, seul l’achat existe. Et cet achat, pour le client, n’est pas une fin en soi mais simplement un moyen d’obtenir quelque chose.

Nous sommes là au cœur du grand malentendu de la vente ;  Nous ne célébrons pas le bon événement ! Nous tenons en haute estime un résultat qui n’est pas l’objet de notre relation avec le client mais uniquement une étape dans son processus d’achat.
Nous avons tous en mémoire un prof de marketing qui nous a enseigné que personne ne vend une perceuse, mais bien des trous, ou encore mieux, une force de travail ! J’ai toujours trouvé l’idée enthousiasmante et en même temps insuffisante. Personne ne vient acheter une perceuse pour bénéficier de trous ou d’une force de travail, mais bien parce qu’à cet instant-là, un projet bien plus concret, plus précis le motive. Qu’il s’agisse de monter une étagère, de s’occuper de la suspension d’un cadre auquel il tient, le client est mu par un désir, un souhait de réalisation bien précis. Et son plaisir personnel ne sera complet que quand cet ouvrage-là sera terminé.
Pensera-t’il alors au vendeur qui lui aura permis de mettre la main sur le moyen adéquat de réaliser son ambition ? Probablement pas, si, comme la plupart de ses congénères, il se sera contenté de vendre, pour ensuite, satisfait, se retourner et se reposer sur ses lauriers, en ronflant de préférence, laissant le client seul avec son achat, son projet non encore réalisé et son plaisir  « en kit », encore bien loin d’être atteint. Cette situation vous rappelle t’elle quelque chose ? C’est exactement pareil ! Nous ne jouissons pas de la vente au même moment et nous nous désintéressons trop souvent du plaisir de l’autre une fois le notre atteint ! Et, à en faire une habitude, c’est une fatale invitation à l’infidélité comme un motif de divorce d’une atroce banalité !

Il en va de même pour n’importe quel achat. Le client vise un résultat extérieur à la vente, une réalisation plus lointaine. Et dans cet intervalle de temps qui sépare l’instant de l’achat de l’accomplissement de son souhait, il se passe une chose capitale, trop ignorée par nos vendeurs-précoces : la transformation de l’Aversion pour la Perte en Déception post Achat.

Je ne vais pas m’étendre trop sur le premier sujet, archi connu. Un de nos plus gros problèmes humain réside dans la surestimation de ce que nous allons perdre par rapport à ce que nous pouvons gagner. Nous sommes des animaux logiquement conservateurs, ce qui a assuré notre survie à long terme. Nous avons peur de perdre ce que nous possédons. Or, retenez bien ceci, amis vendeurs ; psychologiquement un achat est toujours conçu d’abord comme une perte certaine contre un gain incertain.

Cette aversion psychologique, souvent irrationnelle, monte en intensité dans les motivations inconscientes de l’acheteur et atteint son paroxysme au moment où il se défait d’une somme d’argent. La perte est alors avérée et le gain encore loin. S’en suit une période en « pente douce » pendant laquelle il est irrépressiblement pris d’une sorte de blues, de mélancolie, d’amertume ou d’angoisse. Des questions affluent : Ais-je bien fait ? N’aurais-je pas du réfléchir d’avantage ? Des craintes naissent qui parfois se muent doucement en croyances.

Et si des croyances négatives apparaissent, alors l’usage ultérieur du produit ou du service laissera certainement échapper quelques éléments qui les valideront, par l’effet pervers du biais de confirmation. Le client commencera à se convaincre tout seul qu’effectivement, il aurait mieux valu y réfléchir et qu’il s’est bien fait avoir… Pendant ce temps, le vendeur-ronfleur a peut-être gagné une vente mais, dans le même dédain, il aura aussi probablement perdu un client.

C’est à nous de choisir, vendeurs, commerciaux, chargés de clientèle, si nous souhaitons rester des prédateurs affamés et solitaires, toujours en quête du « coup d’un soir » que nous abandonnerons, déçu, une fois nos bas instincts précocement assouvis ou si nous voulons évoluer, nous engager non pas à juste vendre mais à servir, à satisfaire, dans le sens le plus noble du terme, pour amener patiemment, généreusement, nos partenaires-clients à atteindre l’objet de leur désir, à les accompagner dans délicate la réalisation de leur plaisir et remporter ainsi leur fidélité, leur loyauté, leur affection et leur envie d’encore…

Ok mais comment faire ? 

Excellente question, je vous donne rendez-vous dans la 2eme partie de cet article (mi-novembre) qui fera le point entre la vente transactionnelle, discipline favorite des « Serial Sellers » et la vente relationnelle que cultive les vrais « French Lovers » de la vente, et dans sa 3eme partie (fin novembre) qui fera le point sur « l’after sex » de la vente, soit le Suivi, étape essentielle à la fidélisation de vos clients et pourtant trop souvent négligée (même par votre humble serviteur, les cordonniers étant hélas les plus mal chaussés).

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