Soyons clairs, je ne fais pas de politique. Et je ne suis même pas français !  Mais quand j’ai vu Emmanuel Macron sortir des Urnes et prendre l’Élysée, j’ai eu envie d’y croire ! Nous étions tous rentrés en souriant dans ce nouveau drugstore, « En Marche » avec plein d’espoirs.

Et voilà qu’aujourd’hui je ne peux m’empêcher de me demander où tout cela a dérapé. Et plus le temps passe, plus la situation s’aggrave, plus je me dis qu’il manque un talent précis à votre Président Jupitérien. Il ne sait pas vendre.

Quand je parle de Vente, ceux qui me connaissent savent parfaitement que j’entend « l’art noble de se mettre au service des besoins et souhaits d’un client pour lui permettre de les réaliser ».

Certains l’auront trouvé « bon vendeur » jusqu’au jour des élections puisque, justement, il a réussi pendant toute cette campagne à se faire préférer des français. Mais comme je l’évoquais dans mon précédent article, il y a une différence malsaine entre les objectifs premiers du vendeur et de l’acheteur qui nous cause un grand souci. Le vendeur vise la vente, à savoir la transaction immédiate, tandis que l’acheteur vise la jouissance de l’achat, soit le résultat à moyen terme, l’usage, le bénéfice personnel. En d’autres termes, les présidentielles sont une grande vente dans laquelle les candidats-vendeurs visent l’élection là où nous, citoyens-acheteurs espérons une transformation. Et c’est là que tout cloche.
Le Président de la République est le premier commercial de France. Si il semble avoir intégré son rôle en B2B et sur la scène internationale, il se pourrait bien qu’il pêche cruellement en B2C et sur les bases mêmes de la Vente.

Décortiquions ensemble le scénario de Vente-Macron sous le prisme des étapes et des principes essentiels du processus commercial.

 

1-   Un très bon pitch et des conditions de vol favorables

En quelques mots, la campagne de 2017 c’était deux extrêmes-extrêmes et au milieu un vide béant laissé par un Fillon, explosé en plein vol, avec grouillant tout autour plein de gens aussi improbable qu’inconnus. En commerce comme en immobilier on vous dira 100 fois l’importance de la « Place », de l’emplacement. Macron était, spatio-temporellement, providentiel. Bon endroit. Bon moment. Excellent packaging. Propre comme une vierge à peine sortie du couvent, pile au « milieu de tout » avec des allures de gendre parfait, doué d’une jeune maturité avec laquelle on peut encore pardonner et déjà espérer. Bref, un vendeur en Or, avec ce qu’il faut de charme et de gentillesse pour le faire préférer à tous les autres agités de service. Et un super pitch dis-donc ! Du mouvement, de la disruption, du « et en même temps » rassembleur. Il nous offrait ce qu’il y avait de meilleur à Droite comme à Gauche, sans les effets secondaires. Que demander de plus ? Le ciel de l’Appareil Macron était dégagé, net, rectiligne, prestigieux ! Un plan de vol parfait.

Cerise sur le gâteau; le débat final ! Quel cadeau ! En vente, les experts appellent ça le « rebutoir » ou le « canard boiteux ». Un choix qui n’en est pas un, entre deux articles dont l’un semble furieusement mal fichu et l’autre, finalement, par contraste, pas si mal que ça, même pour les derniers indécis. Dans des conditions pareilles, la vente était faite. Un vieux proverbe algonquin dit « Par grand vent, même les dindons volent ».

2-   Grave absence d’écoute et de compréhension des besoins.

Oui, nous avions le sentiment que le Représentant-Macron avait plus ou moins correctement compris nos besoins. Il les avait même reformulés, plusieurs fois, lors de débats, dans des tribunes. Et c’est là que se confondent la vente et le marketing. Jusque-là nous avons été la cible d’une campagne, pas d’une vente. Nous n’avions pas encore pu juger du service, juste des déclarations. La communication est faite pour que nous puissions y lire et y projeter ce qui nous arrange.

Mais, au fil des mois et des années, alors que nous sommes entrés réellement dans la « surface de vente » du Drugstore LREM, nous nous rendons compte aujourd’hui que l’écoute était totalement superficielle et que le vendeur a complètement manqué la compréhension de nos motivations profondes. Le peuple, premier client de la république essaye de se faire entendre depuis le début, en vain. Et peu à peu la conviction s’installe. Macron semble n’avoir entendu que ce qui servait ses propres ambitions, pas les nôtres.

Le défaut d’écoute et de compréhension a deux effets néfastes. D’abord il vous empêche de comprendre les besoins (pas simplement les demandes) de vos clients et donc vous rend incapable de les satisfaire pleinement. Ensuite il provoque une rupture immédiate de la sympathie, de la confiance, ce qui rend la suite de la vente extrêmement hasardeuse puisque tous ce qui sera ensuite avancé comme proposition sera perçue avec méfiance et préjugé.

3-   Défaut d’argumentation construite sur un mode Cout-Bénéfice

Macron nous offre des solutions. Ou plutôt il nous les impose. Si ses mesures devaient se comparer à des produits, il nous faudrait nous rendre à l’évidence, nous n’avons pas tous le bagage technique pour en comprendre le fonctionnement réel. En ce sens il ne tombe pas dans le piège du vendeur-technocratique qui énumère les métrites de ses produits en jargon incompréhensible, drapé dans une cape cousue d’évidence et de bon sens. Cependant il ne nous vend pas pour autant ce qu’il nous propose. Il démontre un travers excessivement pénible de certains vendeurs qui décident péremptoirement de faire votre bien à leur façon en vous donnant le sentiment qu’eux savent ce que vous ne pouvez maitriser. Ce travers est également celui d’une bonne partie des médecins spécialistes.

Or pour bien argumenter, il faut arriver à faire percevoir à vos clients, dans des termes accessibles et clairs les bénéfices qui seront les leurs au bout de la transformation, les leur faire visualiser, les projeter dans un futur qu’ils peuvent identifier, quitte à leur faire également entrapercevoir les conséquences négatives à venir de la non action pour les mobiliser et les embarquer (plus efficacement qu’avec un panier à salade).

4-   Sentiment de Clientélisme aggravé

Ne pas se sentir compris, ni même entendu brise la confiance.
Avoir la sensation qu’on cherche à nous vendre quelque chose que nous ne comprenons pas provoque la méfiance et le rejet.
Il fallait encore un élément de plus pour passer de la déception à la colère : Ce vendeur-là nous donne le sentiment de ne pas nous considérer comme ses vrais clients.

Nous voici rentrés dans un défaut commercial majeur : la vente à deux vitesses. Les Gros clients sont chouchoutés, les petits méprisés. Sous un principe de « même service pour tous » nous assistons à la pratique quasi ouverte de passe-droits et de privilèges qui achèvent de nous convaincre que notre confiance a été bien mal investie. Pourtant ces faveurs ont existé de tout temps et sous tous les régimes. Et il semblerait évident à n’importe quel patron qu’une segmentation de ses clients avec une variation de privilèges et de bonus soit appliquée dans ses affaires. Mais d’une part nous prétendons être dans un système démocratique, pas un business et de l’autre, ce principe de segmentation de clientèle fonctionne uniquement si les petits clients sont d’abord bien traités pour qu’ensuite les gros le soient mieux. Or dans ce cas de figure, le sentiment général est que le citoyen est totalement délaissé au seul profit des meilleurs clients de la République-Business. Mal assis, mal servi, dédaigneusement abandonné à lui-même, il observe, écœuré, les tables du fond, ou tournent les cigares et le champagne. Il a eu beau héler le serveur qui l’avait si bien accueilli, on ne lui répond plus, ou alors avec un geste lointain forcément interprété comme méprisant. Alors, il fait ce que nous ferions tous ; il claque la porte !

5-   Et pourtant nous avions un si bon produit !!!

Que n’ai-je pas déjà entendu cette phrase ! Souvent encadré d’une question angoissée « Mais pourquoi ça n’a pas marché ? » dont la réponse est hélas d’une cruelle simplicité : Parce que personne ne l’a acheté !
Encore une fois je n’ai aucune prétention à comprendre la politique française, belge, européenne et mondiale. Je ne peux donc pas m’exprimer sur la qualité réelle de ce que propose l’appareil de la présidence.

En revanche, je crois aux intentions positives, vous savez, celles qui pavent cet Enfer proverbial. De ma propre perception, je crois que bon nombre de mesures, de décisions et de prises de positions de l’appareil Macron se fondent sur une volonté réelle de faire le bien, notre bien. N’étions-nous pas fiers en l’entendant inviter l’élite de la science américaine à rejoindre la France pour « make our planet Great Again » ? N’avons-nous pas vibré quand il nous a défini sa vision de la fraternité ? Et si en fin de compte le produit était bon ?

Nous sommes en plein dans le grand drame de la vente. Vous pouvez avoir le meilleur produit du monde aux effets à long terme les plus prometteurs. Mais si personne ne l’achète, si personne n’y adhère, nous n’en saurons jamais rien ! Si nous sortons tous du nouveau Drugstore LREM, sans avoir attendu la suite, la fin, le déroulement, le dessert, les bénéfices, nous ne saurons jamais ce qu’en fin de compte Emmanuel Macron pouvait faire de bien pour nous. Nous ne saurons jamais si le produit en fin de compte répondait vraiment à nos attentes. Dans notre parcours d’achat, nous avons cumulé suffisamment d’insatisfactions pour décider qu’a ce stade, nous ne sommes plus clients et nous nous demandons si nous ne l’avons jamais été.

En quête d’une alternative (ou d’une alternance) nous serons pourtant peut-être encore moins bien traités ailleurs. Ou pire, nous trouverons un meilleur vendeur qui lui saura nous convaincre de le suivre et de prendre, avec le sourire, des options réellement néfastes pour l’écologie, notre société et l’économie. Mais une fois la porte claquée, il est très difficile de faire revenir le client. Le biais de Cohérence, un des plus puissants de notre petit cerveau humain, supporte mal les retournements de vestes brutaux.

En conclusion…

Je crains que tout cela soit un magnifique exemple de ratage commercial. Je passe mon temps à répéter à mes stagiaires : faites mieux que des ventes, faites des clients !  Je retrouve, en substance, dans l’attitude et la communication de Macron tout ce que je dois désapprendre à mes vendeurs trop empressés, aux pros du « One Shot » qui une fois leur but atteint, se donnent moins de peine pour que le client soit satisfait, aux dictateurs commerciaux qui savent mieux que vous ce qui va vous plaire ou vous convenir, sans prendre la peine de vous en faire valoir l’envie ou d’en éveiller en vous le désir.

Je n’ai pas de leçon à donner, même à ceux qui me les achètent. Et je ne vais évidemment pas offrir un coaching commercial aux représentants du drugstore LREM. Mais cette lecture du « Business Case Macron » achève de me convaincre que la vente, en plus d’un métier, est une compétence transversale qui mériterait d’être apprise partout ! D’abord dans les Écoles de Commerce (surtout les Grandes) mais aussi dans tous les métiers. Je croise régulièrement des médecins, des avocats, des architectes et des notaires qui m’avouent avoir grand besoin de formations dans le domaine ou qui me reviennent enchantés d’avoir franchi le cap.

Et pourquoi pas dans les filières politiques ? Cette compétence manque encore plus cruellement aux endroits ou l’on forme des stratèges. Et ce sont eux qui, plus que quiconque, doivent rendre leurs catalogues d’actions lisibles et enthousiasmants ! Un cours de vente à l’ENA, ça aurait une de ces gueules quand même ! Au mieux, on pourrait inculquer à notre Elite les bases de l’empathie, de l’écoute, de la bienveillance, de la volonté de servir, de produire un résultat conforme aux souhaits d’un client exigeant, certes, mais également généreux et affectueux quand il est fidèle. Au pire, et bien ils auraient au moins mis une fois les mains dans le métier le plus commun et le plus noble du peuple; la Vente.
Rien que cela pourrait déjà nous les rendre plus sympathiques.

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