« Il arriverait à vendre un frigo à un esquimau !
Il pourrait même refiler du sable à des bédouins !
Ou mieux encore, un peigne à un chauve !
Vous les connaissez par cœur, ces expressions communes qui contribuent à enfoncer encore, jusqu’à la garde, le vieux cliché du Vendeur-Voleur-Menteur. Autant de symptômes de la grande croyance populaire suivante « Un bon vendeur peut vendre n’importe quoi à n’importe qui ».
Foutaises ! Non, pardonnez-moi, mais foutaises quoi !
C’est précisément l’idée reçue qui nous fait le plus de mal ! Je suis incapable, m’entendez-vous, incapable de vendre quelque chose à quelqu’un qui n’en a pas besoin ou envie. Et pour cause : de ma propre expérience de 20 ans dans le domaine, de mes lectures et de mes propres formations, comme des derniers enseignements tirés des neurosciences, je déduis une évidence : ce n’est pas le vendeur qui vend mais bien le client qui achète. Le bouton d’achat se trouve dans le crâne de vos clients (et plutôt logé près de son système limbique vraisemblablement). Vous ne pouvez pas directement appuyer dessus. En d’autres termes, la Vente n’existe pas. Seul l’achat existe. Voila.
Il se peut qu’à ce stade je sois en train de perdre une bonne partie de mes clients potentiels. Un suicide professionnel en direct-live ? Pas vraiment. En effet si vous l’aviez l’intention de me confier une équipe de commerciaux pour faire d’eux des mentalistes capables de forcer la volonté d’un client en abusant de contorsions mentales pour lui caser, contre son gré, quelque chose dont il n’a ni envie ni besoin, je suis heureux que vous passiez votre chemin. Quant aux autres, la suite de la lecture risque de vous intéresser.
Pour vendre, j’ai besoin d’un besoin. Même un tout petit. Un fifrelin de motivation, de désir, d’envie. Même latent. Mais il me faut un point de départ. Je peux par contre parfois (souvent même) me passer d’une demande, bien sûr.
La demande est l’expression consciente, imparfaite et incomplète d’un besoin. Elle est, en synthèse, ce que le client comprend de ce qu’il veut, elle est la partie émergée du besoin, du désir, celle qui a atteint, notre néocortex, celle qui a pu être rationalisée et formalisée (partiellement, maladroitement) avec des mots.
Avec une demande existante, je dois travailler pour mieux comprendre les besoins sous-jacents et mieux satisfaire mon client, plonger sous le dioptre du conscient pour faire émerger le besoin dans son ensemble.
Sans demande existante je peux explorer les besoins latents de mon client en m’intéressant sincèrement à lui, en l’amenant à me parler de sa vie, de ses désirs, de ses problèmes, de ses valeurs.
Pour ce faire, je dispose d’un éventail de « techniques humaines » que j’utilise toujours avec respect, bienveillance et soin, parmi lesquelles l’on pourra trouver, entre autres, la mise en cadre de confiance, l’écoute active, le questionnement ouvert, la focalisation, la « page blanche » mentale, le non-jugement et la recherche de l’intention, la gestion des émotions et du fonctionnement des « trois états du moi » (analyse transactionnelle) la puissance du silence « plein », la lecture comportementale, la confrontation, le feedback, la connaissance des biais cognitifs et des principes généraux des neurosciences et voir même un peu d’écoute psychanalytique (lapsus, contresens, …).
Comme je l’ai déjà écrit dans un précédent article, les commerciaux dont le travail consiste simplement à répondre à une demande sont condamnés à très court terme. Les porteurs de bons de commandes sont en train de disparaitre. Un formulaire web, une appli, Siri ou Alexa répondent déjà parfaitement aux demandes. L’utilisation d’un simple plan de vente et d’une bonne technique argumentation produit, bien qu’indispensable, ne suffit donc plus à faire le job à l’heure ou nos clients ont à leur disposition une source infinie d’informations, d’avis, de tests, de recommandations.
Notre rôle, en constante évolution, est d’accompagner l’expression d’un ensemble de besoins, souvent inconscients, d’en permettre la formulation dans une demande riche et complète, de générer le climat de confiance nécessaire à ce que notre client puisse se confier à nous complètement, puis, avec persuasion, de l’aider à lever ses propres freins irrationnels (mais totalement naturels et normaux) liés à l’achat pour qu’il s’autorise à satisfaire ses besoins, de le guider dans la mise en œuvre des solutions acquises et d’assurer un suivi sans faille pour mériter sa fidélité, sa loyauté et lui permettre de devenir un ambassadeur heureux de notre enseigne.
Notre mission est d’ordre maïeutique, pas simplement technique. Nous permettons au client d’accoucher de la réalisation de ses besoins. Et à condition que vous soyez sincèrement dévoué à sa cause et totalement convaincu que le produit ou le service que vous représentez aura une vraie valeur pour lui, Il n’y a aucune raison de rougir ou d’avoir honte de pratiquer cet art aussi délicat que généreux !
Si par contre votre objectif est d’obtenir de force, voir d’arracher le consentement d’un client, en le manipulant, en lui mentant (même partiellement), en simulant des sentiments ou en abusant d’une position dominante, pour votre propre profit, vous n’êtes pas un Vendeur (ni même un mauvais vendeur), et en aucune façon vous ne méritez de porter ce titre !
Je m’insurge totalement contre l’idée répandue que « Vendeur » désigne en fait les margoulins de la vente et que « Commercial » habille la part noble de la profession. Si pour arriver à vos fins, vous faites usage de mensonges ou de manipulations, pour privilégier votre intérêt au détriment de celui du client, soyons clairs, vous êtes tout simplement un escroc !
Oui mais alors, le vendeur de frigos aux Esquimaux, de sable aux Bédouins ou de peignes aux chauves est, lui, bel et bien un escroc, n’est-ce pas ? Il appartient bel et bien à cette catégorie de roublards capable de vendre n’importe quoi à n’importe qui ?
Et bien non. Car tout est question de compréhension des besoins !
Vendre un frigo à un Esquimau ?
Rien de plus simple, si on cherche à comprendre le quotidien de la vie sur une banquise. A l’extérieur, il fait -40°c. A l’intérieur de l’Igloo, +15°c. Comment pouvez-vous conserver du beurre ou du poisson frais, sans devoir passer des heures à le dégeler ou devoir le consommer immédiatement pour éviter qu’il dépérisse ? Un frigo à 4° constants, peut-être ?
Vendre du sable aux bédouins ?
Non seulement c’est simple, mais c’est fait ! Les tribus bédouines qui régnaient en maitres des déserts sont sédentarisées et fortunées depuis un bon siècle déjà. De L’Arabie Saoudite au Qatar en passant par les Emirats, les Cheicks ont depuis longtemps rangé leurs tentes pour faire émerger de l’horizon les plus hautes tours du monde au sein de cités fabuleuses rivalisant avec les plus grandes métropoles américaines ou asiatiques ! Or, détail amusant, savez-vous que le sable du désert est impropre à la fabrication de béton ? Vous pensiez que les bédouins n’avaient pas besoin de sable ? Ils en ont pourtant acheté des milliards de mètres-cube, importé des fonds de nos côtes comme de celles de la plupart des mers nordiques. C’est le comble du paradoxe, les nouvelles impératrices du désert telles que Dubai, Ryiad et Doha, sont en fait construites avec du sable venu d’ailleurs.
Vendre un peigne à un chauve ?
Oh, tout à fait possible, à condition que le chauve en question…
…. Mais vous avez sans doute compris vous-même, non ? Allez, dites-moi, quelle est votre proposition ?