La scène se déroule dans un bureau confortable en plein centre de Bruxelles. Thibaut et moi, parlons de la Vente avec le dirigeant d’une grande organisation. Plus précisément, nous abordons la vocation première de nos formations et de nos coachings : redonner à la Vente et aux métiers du commerce leurs lettres de noblesse et ouvrir la voie à une génération de vendeurs fiers de leurs jobs, loin du cliché du bonimenteur, camelot et vendeur-menteur-voleur !

Notre interlocuteur sourit et nous rejoint dans nos conclusions. Pour enfoncer le clou, il fait appeler une jeune et efficace collaboratrice dans son bureau et lui dit « Nous allons lancer un super projet pour nos entreprises clientes, as-tu envie d’en faire partie ?» « Oui, évidemment !» lui répond la jeune femme avec enthousiasme. « Ok, ce sera à toi de le vendre. Tu seras la commerciale du projet ! » Sourire gêné de la collaboratrice. « Ah, c’est que… je… heu » Le patron reprend la parole « quoi, tu ne veux pas vendre ? » « Ben… ce n’est pas ma spécialité… non. Je n’aime pas trop ça». Le directeur nous adresse un regard pétillant, en coin, et ajoute « Tu peux me dire ce que tu as fait comme études ? » « Commerce extérieur » répond, un peu embarrassée, la jeune femme. « Tu as fait une école de commerce, mais tu ne veux pas vendre ? » interroge le boss. « Non, pas vraiment » répond sans ambages sa collaboratrice. Fin de la démonstration.

Nous voilà donc en plein dans l’expression schizophrénique du problème de la vente ; Tout le monde veut un Job mais personne ne veut vendre !

Pourtant les arguments sont forts : des dizaines de milliers de postes de vendeurs sont ouverts et non pourvus en Belgique et quelques 200.000 en France. En moyenne 40% des profils demandés par les entreprises aux cabinets de recrutement concernent des commerciaux. Les salaires des fonctions commerciales sont de 20% à 50% plus élevés que ceux des autres emplois en entreprise. Et le métier de vendeur est reconnu universellement comme le meilleur tremplin pour l’emploi et l’ascenseur social le plus efficace du bas jusqu’au sommet. Je connais une légion de grands patrons issus de la filière commerciale, qui ont été les premiers à vendre leurs services et leurs produits. Il n’y a pas de bons vendeurs au chômage, ou alors pour très peu de temps !

Il y a 5 à 10 ans, les cassandres du digital nous avaient prédit la fin des vendeurs. Mais comme souvent, les prophéties sont à double sens ; oui, les vendeurs disparaissent, mais par l’offre, pas par la demande qui, elle, ne cesse de croître ! On trouve de moins en moins de personnes prêtes à embrasser la profession de vendeur et parallèlement le besoin cruel se fait ressentir dans l’entreprise de trouver des véritables spécialistes de la vente, pas de simples informateurs ou démonstrateurs, ni des passeurs de bons de commande. Ces jobs-là sont déjà digitalisés et leurs derniers représentants sont en phase finale de fossilisation. Il y a débat sur l’avenir des téléprospecteurs, qui enchainent les coups de fils pour décrocher de la commande ou du rendez-vous. Certains les voient finis, d’autres annoncent leur évolution, voir même une augmentation de leur efficience, grâce au digital, aux réseaux sociaux, au décodage assisté des « signaux faibles », à l’emploi d’un nombre démultiplié de canaux et au « combo selling ».

Aujourd’hui les grandes entreprises, se défont des gestionnaires, pas des vrais vendeurs. Le traitement de dossier par intermédiaires appartient désormais à une autre ère. Les guichets disparaissent au profit des DABs et des Call Centers dont une partie de l’interaction est automatisée. Tous les canaux avec un potentiel de vente inexistant ou réduit (commande d’un produit simple) sont à présent totalement sous contrôle informatique. Par contre, l’analyse fine des demandes, la compréhension profonde des besoins, la recherche de l’adéquation entre ces besoins et les bénéfices proposés et la création d’une relation durable restent dans le domaine de l’humain. Les « soft skills » et les compétences relationnelles ont le vent en poupe parce qu’elles créent de la valeur ajoutée : Emotions, motivation, envie, loyauté, fidélité, recommandation, … Nous avons besoin et envie d’interagir avec des humains sur des sujets complexes ou dès que le doute ou l’incertitude se fait ressentir. Même si des algorithmes puissants pourront bientôt interpréter, mieux que le meilleur mentaliste, les modulations subtiles de votre voix, les micromouvements de votre visage, de vos yeux et les variations infimes de chaleur et d’humidité de votre épiderme, vous n’êtes pas encore d’accord de laisser une machine sonder votre âme et vos besoins personnels. Nous ne sommes pas encore (tout à fait) prêts à nous faire réconforter par un chatbot ou un assistant vocal ou sortir prendre un verre avec un Siri version hologramme.

De l’autre côté, pendant que les effectifs des Géants s’effritent un peu plus à chaque vague de digitalisation, la création d’entreprise explose et le marché du travail se fractionne en dizaines de milliers d’initiatives, indépendants, free-lances, microentreprises, start-ups et restarters, poussés par le capital-risque, les écoles et universités, les incubateurs, les nouvelles stars aux réussites foudroyantes, les influenceurs de tout crin et surtout l’interaction et l’accessibilité permanente des données, des idées, des échanges. Chaque jour, des centaines de personnes se lèvent avec l’intention de changer un petit bout du monde grâce à un projet fantastique. Et devinez pourquoi tant échouent ? Parce que la plupart ne savent pas vendre ou, pire, ne veulent pas le faire.

Depuis des années nous avons jeté l’opprobre et trainé dans la boue la réputation des vendeurs au point d’en faire un cliché, une insulte, un stigmate honteux, au point de faire disparaître le mot « vente » de toutes les cartes de visites et de tous les intitulés de fonction. On recrute bien des vendeurs, mais dès leur prise de poste, ils deviennent pudiquement « chargés d’affaires », « responsable de relation client » ou « business account executive developement manager », pas vendeur. Résultat, personne n’apprend à vendre, si ce n’est « sur le tas » ou au cours d’une formation toujours trop courte, rabotée par les achats et le manque de moyens. A de rares exceptions près on maquille les derniers « masters en vente » avec du marketing-gloss aux lèvres, du project-management blush pour les joues et du digital-fard sur les yeux, pour les rendre … vendables. L’industrie du divertissement, quant à elle, nous assène depuis 50 ans des portraits négatifs de la vente. Demandez à un jeune de moins de 30 ans de vous ramener du web l’image d’un vendeur et je vous parie qu’il vous affichera 2 fois sur 3 Di Caprio campant Belford dans le Loup de WallStreet

A l’image des Iles de Pâques, nous avons abattus tous nos vendeurs pour ériger d’immenses citadelles de pierre et de verre remplies de cols blancs et cadres moyens bardés de diplômes à trois cycles qui ne vendent plus rien. Et sous les orbites creuses et vides de nos Moaïs modernes, notre économie crève de plus avoir de vrais vendeurs pour oxygéner et dynamiser son fantastique terrain de jeu. Sans vente c’est toute notre économie qui s’asphyxie, doucement, inexorablement, pendant que celles des peuples et des cultures qui considèrent comme naturelles voir socialement désirables les fonctions commerciales (Asie, Afrique, Amérique du nord) prospèrent.

En d’autres mots, quel que soit votre avenir, vos choix, vos ambitions, je vous encourage à considérer la vente comme votre meilleur « Parachute Doré » et à envisager cette discipline non pas comme un métier à part entière mais comme une compétence indissociable de votre réussite professionnelle ET personnelle, que dis-je, comme la seule qui vous servira dès demain et jusqu’à votre dernier souffle.
·     Que vous décidiez de rester dans votre entreprise, de plus en plus libérée, prônant l’autonomie, l’initiative, l’implication et l’intrapreneuriat, il vous faudra pour survivre et prospérer, apprendre à vendre vos idées, vos projets, vos plans.
·     Que vous décidiez ou soyez contraint de quitter votre job actuel, il vous faudra apprendre à vendre vos talents, vos résultats, vos ambitions et surtout les bénéfices que vous pourrez apporter à l’organisation qui vous accueillera.
·     Que vous décidiez de mener votre propre barque jusqu’au canal du coin ou jusqu’en Californie, si brillant que soit votre business concept, solo, association, coopératif, whatever, il vous faudra apprendre à le vendre à vos partenaires, investisseurs et clients.
·     Et que vous soyez avocat, médecin ou architecte n’y changera rien ! Même eux, de leur propre aveu, manquent de bases commerciales et se sentent terriblement dépourvus lorsqu’il s’agit de faire passer un concept, de convaincre de l’utilité d’un traitement ou encore plus simplement de soutenir une note d’honoraire et de défendre la valeur de leur propre temps.
Vous devez devenir le meilleur vendeur de votre petite entreprise personnelle, quelle que soit sa destination et ses ambitions. Parce que la vente a de l’avenir sur le long terme, pour une bonne et simple raison ; si tout change autour de vous, à une vitesse vertigineuse, exponentielle, au point de rendre obsolète en quelques semaines une connaissance durement acquise en plusieurs années, il existe une chose qui évolue très lentement, dont les mécanismes, encore trop mal connus, sont les mêmes depuis des millénaires, qui nous est commune à tous et dont dépend tous nos choix, toutes les prises de décisions, les interactions sociales ; notre Cerveau. Quelles que soient vos perspectives et vos ambitions, investir dans vos capacités à mieux connaître, comprendre, anticiper les besoins et les réactions de l’autre vous permettra de survivre, à très long terme, peu importe l’environnement socio-économique dans lequel vous naviguerez.

Jean Fourastié, économiste prolifique et visionnaire, écrivait en 1971 « La machine conduit l’homme à se spécialiser dans l’humain. » Aujourd’hui l’émergence du big data, des réseaux sociaux, des algorithmes, de l’automatisation, des assistants virtuels et de l’intelligence artificielle en parallèle parfait avec le développement de l’imagerie cérébrale et des neurosciences appliquées font de cette citation prophétique une réalité avérée.
Le Vendeur des décennies à venir aura donc un bagage consistant en psychologie sociale, en neurosciences, une excellente capacité à créer et à entretenir des relations (réellement) humaines, un savoir-faire technologique toujours renouvelé pour rester à la pointe de la maitrise d’une déferlante continue de nouveaux outils et une expertise métier conséquente qu’il diffusera sans cesse vers ses clients et ses prospects afin de les aiguiller au mieux, le tout mobilisé par une envie puissante et pure de servir l’autre avant de penser à se servir lui-même. Ce vendeur-là, aussi bienveillant que performant attirera à lui une vraie sympathie et suscitera je l’espère de nouvelles vocations !
La Vente quant à elle, devra, j’en fais le vœu, être enseignée partout, comme une science sociale indispensable, une compétence riche et nécessaire à l’insertion dans la vie « active » quelle que soit sa forme. J’aurai terminé mon travail personnel en la matière quand chez nous fleuriront à nouveau des Vendeurs fiers et heureux d’exercer leur métier, prêts à porter leur titre en toutes lettres et en toutes circonstances.
Il est grand temps de (re)faire du nom commun vendeur, un Nom Propre !

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