Ce post est 3eme et dernière partie du « Grand gâchis de l’Orgasme Client ». (épisode 1, épisode 2)

« Si vous connaissez votre numéro de client, tapez 1, sinon tapez 2 »

Il enfonce la touche 2. Le bip suraigu vrille son tympan. « Mais non je ne l’ai pas ton foutu numéro client » maugère-t’il d’entre ses dents serrées.

« Vous allez être mis en relation avec l’un de nos conseillers clients. Votre temps d’attente est estimé à … 6 minutes »

« 6 minutes. Pffff… » Il passe le téléphone en mode « mains libres » et se remet à tapoter frénétiquement sur le clavier de son PC en tentant d’optimiser au mieux ce temps forcément perdu, pris en otage du no man s’ land de la relation client.

Le front soucieux, il se blâme, se maudit. Il aurait du se douter. Les promesses étaient trop belles, le discours trop bien rodé. Il s’en veut d’avoir investi sa confiance à tort, sur base de quoi d’ailleurs, quand on y réfléchit ? Un peu de considération ? L’impression d’avoir -enfin- été compris ? La sensation formidable que, cette fois-ci, tout allait changer ?

« tous nos opérateurs sont occupés. Nous vous remercions de patienter »

Pris au piège par son propre choix. 6 minutes d’attente, c’est beaucoup quand on espérait un Service Premium. Mais ce n’est pas vraiment assez pour changer de fournisseur. Changer. Changer encore ? Pour pareil ou… pour pire ? Parce qu’ils sont tous les mêmes, en fin de compte, ces prometteurs de beaux jours ! Et puis il aurait l’air de quoi ? D’une girouette ?

« tous nos opérateurs sont occupés. Nous vous remercions de patienter »

Il repense à ce que lui a dit le Délégué, le Représentant, il y a 30 minutes, quand il a finalement réussi à le joindre sur son portable : « … Cher monsieur, je ne peux rien pour vous ! C’est avec notre service client que vous devez voir ça maintenant ! Ils sont super-compétents et leur temps est totalement dédié à assister nos clients ». Ouais. N’empêche, il n’y a pas si longtemps encore, il décrochait dans les deux secondes, ce commercial. Ou il rappelait. Trois ou quatre fois même. Avenant, disponible, professionnel, toujours sympathique… Mais que s’est-il passé ?

Prospect, tu es devenu Client !

D’une façon ou d’une autre, nous connaissons tous cette situation. Acheteurs, vendeurs, managers, peu importe, nous sommes, tous comme chacun, des clients dans notre vie civile. Des clients majoritairement insatisfaits, pourquoi s’en cacher ! Cette transition, de l’état de prospect plein d’espoir à celui de client déçu s’est souvent faite en douceur d’ailleurs. Elle est rarement aussi brutale. Mais nous sentons qu’une fois notre accord obtenu, la validation faite, la mise en place du service achevé ou le paiement effectué, nous avons perdu notre superbe, notre attrait. Nous sommes servis, devenus un numéro, un dossier. Passé par les mains chaleureuses de l’Artisan-Vendeur, nous traversons à présent un processus quasi industriel. Nous nous transformons en données sur un serveur, s’affichant au gré des écrans à la compta ou au service plainte. Et nous naviguons à tâtons, confrontés à des voix que nous ne connaissons pas, qui ne savent rien de nous, avec lesquels nous ne nourrissons aucun lien.

Ceux que nous avions appris à apprécier, qui nous ont tendrement accompagnés pendant tout le processus de vente, qui se sont montrés patients, attentionnés, professionnels, engagés et toujours amicaux se sont raréfiés au point de tout simplement disparaitre. On nous avait promis une sorte de paradis, et nous errons seul dans un paysage hostile proche de celui de The Walking Dead.

Et mon vendeur dans tout ça ?

C’est bien là le drame. La plupart des vendeurs que je croise déplorent eux-même cette situation dont ils sont les victimes collatérales.

Obsédée par le chiffre, la conquête et le « newbiz » son entreprise le motive ou le contraint à focaliser ses efforts sur l’acquisition de nouveaux comptes, confiant la rétention aux services après vente et a un marketing de plus en plus automatisé. L’entreprise s’approprie la relation qu’il avait construite avec son client, sans réussir toutefois à pouvoir donner une continuité à un composante essentielle de la confiance: l’Intuitu Personae, un rapport qui s’établit en fonction de la personne, un lien purement humain qui est l’essence même de la vente. Après la vente, ce lien se distend ou se rompt et endommage le capital confiance que le client place dans l’entreprise. Ce rapport n’est pourtant pas repris dans les conditions générales et il est difficilement objectivable. Pourtant, il existe et c’est l’une des plus grandes difficultés pour les clients et les vendeurs; comprendre, accepter et affronter cet abandon forcé du lien dans les entreprises qui différencient clairement les activités de recrutement et de fidélisation, ou plus trivialement de « chasse » et « d’élevage ».

Parfois c’est le commercial lui-même qui est à blâmer, alors qu’il délaisse petit à petit ses clients acquis pour retrouver avec d’autres les frissons des premiers instants.
Très Souvent aussi, j’entends des commerciaux m’avouer avoir peur d’affronter l’insatisfaction après-vente de leurs propres clients, craignant d’avoir à gérer leurs déceptions et d’être confrontés à des reproches pour ne pas avoir pu faire tenir les engagements qu’il avait pris au nom de son entreprise. Personne n’aime endosser le sentiment d’avoir trahi une promesse. D’une manière générale, cette appréhension à suivre ses clients acquis est proportionnelle au degré de perte de confiance du commercial dans la qualité des produits ou des services qu’il propose, ce qui en ferait un indicateur particulièrement intéressant à observer. Mais personne ne le fait.

Ma relation est morte, c’est grave, Docteur ?

Quelles qu’en soient les raisons, naturelles ou délibérées, l’abandon de la Relation Client-Vendeur dans le paysage généralement désolé de l’après-vente est une catastrophe commerciale d’une ampleur inouïe qui génère des conséquences particulièrement graves :
D’abord cet abandon se produit souvent entre le moment ou la vente est conclue et celui où le produit ou service est livré. Donc, pour ceux qui suivent mes articles (1), elle se déroule après « l’orgasme vendeur », qui, lui, a obtenu la « satisfaction » qu’il recherchait, mais bien avant « l’orgasme acheteur » qui n’a pas encore atteint la réalisation de son souhait, de son projet, la satisfaction de son besoin. En clair on l’abandonne en route, en plein parcours, comme si tout était déjà fini, alors que, de son point de vue, rien n’a encore commencé ! Cet état émotionnel, souvent inconscient, va faire remonter des doutes, des craintes, des aversions que le client devra désormais affronter seul. Pire encore, cette perturbation va également assombrir et amoindrir la qualité de la satisfaction qu’il finira par obtenir à terme. Pour bien vous faire comprendre ce que représente cette privation d’une partie du plaisir du client par l’escamotage du vendeur, imaginez vous un être cher qui vous offre un cadeau que vous avez ardemment souhaité, mais qui vous quitte, brusquement et sans retour, au moment précis ou vous allez le déballer. Vous y êtes ? Déprimant non ?

Ensuite, cette différence de traitement pré et post achat crée une terrible déception chez le client. Un blues puissant ! Une forme de nostalgie sévère ! Et pour cause : comme chacun d’entre nous, le client se sert inconsciemment de la phase d’avant-vente pour projeter et construire ses attentes sur l’après-vente. Il évalue anticipativement la qualité de ce qu’il pense pouvoir obtenir après achat sur base du traitement qu’il reçoit avant. Et là, évidemment, plus la Cour a été belle et fastueuse, plus le gap déceptif est puissant ! Bien qu’encore une fois, rien de tout ceci ne soit rationnel, il s’installe immédiatement dans l’esprit de notre client une lourde sensation de doute, de regret, de remords, comme si il avait été abusé, indépendamment de la qualité de ce qui lui sera finalement offert.

Plus terrible encore, la généralisation de ces pratiques alimente le sentiment commun de méfiance vis à vis des Vendeurs et de la Vente. La première fois, on se blâme personnellement de s’être un peu emballé en s’étant fait des idées. La deuxième, on incrimine le vendeur-beau parleur qui nous aurait jeté de la poudre aux yeux. A la troisième occasion, c’est tout le secteur, puis toute la profession commerciale qu’on voue aux gémonies ! Ce faisant, le travail des « hunters » devient chaque jour de plus en plus difficile puisque les clients se retranchent dans des citadelles de défiance que nous avons nous-même contribué à construire en leur en fournissant la matière première.

Et il ne faut pas non plus en négliger les impacts internes ! La répétition de ces faits condamne les vendeurs soit à devenir cyniques et gravement détachés, continuant à consciemment créer des liens qu’ils savent sans avenir, soit à tomber dans un profond dégout devant l’absurdité complète de leur métier ou on les force à recruter des clients que d’autres, par la suite, vont perdre, sans qu’ils puissent rien y faire. Un peu comme ces policiers qui finissent en dépression à force de voir libérés en 48 heures des criminels qu’ils traquent pendant des semaines. La perte de sens et le sentiment d’absurdité est un risque psycho-social avéré qui s’appelle aujourd’hui le « Brown Out« . Allez motiver vos équipes commerciales et produire du résultat pérenne dans ces conditions !

Des obsèques hors de prix !

Tous ces aspects émotionnels rognent copieusement les marges opérationnelles et coutent des milliards par an aux entreprises en Churn, Perte et Turnover. Les clients sont plus fragiles, plus susceptibles, plus sensibles aux insatisfactions, plus vites déçus, plus réceptifs aux alternatives et leur LTV (LifeTime Value ou durée de vie dans votre portefeuille) diminue copieusement. Ainsi les meilleurs clients, les plus compréhensifs et sympathiques partiront discrètement sur la pointe des pieds, sans vous laisser un mot. Par contre les plus virulents, les geulards, coincés chez vous par peur du changement, taperont du poing sur la table pour être entendus et servis, jusqu’a miner le moral des chargés de l’après-vente. Ceux la sont extrêmement couteux à gérer. Tout ceci sans compter sur les masses colossales et croissantes d’argent qu’il faut investir pour d’une part approcher de nouveaux clients, de plus en plus méfiants de peur d’être encore déçus, et de l’autre pour renouveler constamment vos équipes commerciales dont la motivation s’use plus vite que la gomme des pneus de leurs propres voitures.

Un paradis d’abondance à portée de main

Et pourtant il y à tellement à faire et tellement à gagner ! On vous aura sans doute déjà bassiné les oreilles avec le fait qu’acquérir un nouveau client coute entre 5 et 10 fois plus cher que de conserver un client existant. Mais il y a beaucoup mieux.

  1. Vos clients bien entretenus prennent en charge votre publicité et vous donnent accès au média le plus efficace de la Vente : le bouche-à-oreille ! et croyez moi, plus vous investissez du temps et de l’attention dans la relation que vous entretenez avec eux, plus ils parleront de vous avec fierté ce qui créera un supplément de flux entrant. Pourtant trop peu de commerciaux sont formés à stimuler les facultés de leurs client à parler de leur satisfaction via des témoignages, des recommandations aujourd’hui grandement facilités par les réseaux sociaux, le tagging, les vidéos, etc. « Demander, c’est être embarrassé un bref instant, ne pas demander c’est être embarrassé toute sa vie », disait Confucius. Alors, allez-y, demandez !
  2. Vos clients suivis et chouchoutés peuvent alimenter vos pipelines et vos listes de prospects ! Xerox a bâti une partie de son succès commercial sur ses fameuses 3 Questions à poser régulièrement en entretien des clients actifs : « 1/ Etes vous satisfaits ? 2/ Souhaitez-vous faire une nouvelle commande ? 3/ Pouvez vous me recommander à d’autres clients potentiels ? » Mettez cette recette à la sauce de votre entreprise et vous verrez que l’enchainement innocent de ces questions est absolument redoutable et d’une puissance formidable. Hélas, en 10 ans d’accompagnement sur le terrain, je ne vois quasiment jamais de vendeurs oser solliciter des recommandations et des leads. Encore plus ahurissant, alors que le NPS – Net Promoter Score  fait figure d’outil universel d’évaluation de la satisfaction des clients dans un nombre croissant d’entreprises, la majorité s’en servent comme d’un simple indicateur passif alors que tous les clients qui ont indiqué un score de 9 ou de 10 se sont activement déclarés prêts à recommander l’entreprise… Et personne ne les rappelle pour savoir auprès de qui, pendant que les forçats de la vente « prospectent dans le dur ». Désespérément absurde.
  3. Vos clients fidélisés peuvent vous conseiller ! Il n’y a qu’un véritable ami qui peut vous confronter sur vos défauts, vos mauvaises habitudes ou vos goûts vestimentaires douteux. Il en va de même pour vos clients les plus loyaux. Ils peuvent vous aider à devenir meilleurs en pointant honnêtement du doigt ce que vous ne voyez pas. Ils seront à la fois plus engagés, plus pertinents et beaucoup moins couteux que les armées de consultants surpayés que les entreprises appellent à leur chevet à la moindre toux. Passez du consulting au consum-think et créez vos « think tanks Clients ». Au passage, vous renforcerez encore leur loyauté.
  4. Vos clients préférés facilitent vos futurs recrutements et partenariats. En les connaissant mieux et en acceptant de faire réellement partie de leur écosystème, vous favorisez les échanges et attirez naturellement dans votre entreprises des ressources qui connaissent vos services, vos produits, votre philosophie et vos valeurs ! Votre bénéfice ; Moins d’erreurs de casting et beaucoup plus d’engagement !
  5. Les insatisfactions de vos clients est le meilleur laboratoire de recherche et développement. C’est la première chose que j’ai apprise en travaillant avec les Experts du Marketing Créatique©: « Tout usage mène à l’insatisfaction et chaque insatisfaction est la source de nouveaux besoins ». Avec un bon relationnel client, on peut oser poser franchement les questions qui fâchent et demander ce qui ne satisfait pas, ce qui irrite et s’interroger en permanence ce qui reste encore à inventer pour faire mieux. Au lieu de cela, la quasi totalité des entreprises que je connais se bornent à demander de temps à autres aux clients de donner un taux de satisfaction et se confisent dans un bonheur passif quand le score est calé entre 90 et 95% alors que c’est précisément dans ces quelques pour-cent restants que se nichent toutes les idées qui révolutionneront vos marchés dans 5 ans.

Cinq mines d’or à votre portée. Cinq réservoirs d’opportunités infinies vous tendent les bras. Qu’attendez vous pour vous y ruer ?

Simple oui, mais pas si facile !

Pour maigrir, c’est simple. Il suffit de manger moins, plus sainement et de pratiquer régulièrement des activités physiques. C’est simple. Mais pas facile à tenir, surtout dans la durée. Construire une relation demande des efforts et de l’investissement constant, mais comme le démontrait brillamment Sebastien Bohler dans une interview (5) à propos de son livre « le Bug Humain », notre cerveau n’est pas très doué pour construire des satisfactions a long terme. Nous préférons l’immédiateté, la facilité. Le commerce ne fait hélas pas exception à la règle. Les Boites préfèrent le résultat direct, rapide et concentrent tous leurs efforts sur le trimestre et pas les 3 ou les 30 années à venir.

Pourtant, en encourageant les Vendeurs-Lovers à faire activement fructifier leurs relations clients et les transformer en autant de mariages heureux et prospères, la plupart des entreprises que je fréquente pourraient connaitre de formidables gains de croissance. Je ne parle pas ici de se contenter d’un « entretien » de la relation client et encore moins de se montrer « disponible » quand il aura besoin de nous, mais bien d’avantage de savoir s’investir à « réinventer son couple vendeur-client ». Et qui est le mieux placé pour faire grandir la flamme de cette relation que celui-là même qui est parvenu à l’allumer, tout au début ?
J’entends encore grincer les dents de certains directeurs commerciaux qui m’ont dit à l’époque, « je veux des vendeurs, moi, pas des babysitters de clients » lorsque je continuais à leur vanter les mérites de l’Emotion et de la Relation. Ceux-là envisagent l’entretien de la relation client comme celui d’un Bonzaï : beaucoup d’efforts pour maintenir le client petit et contrit alors que je leur parle de faire grandir, fructifier et prospérer.

Que les plus sceptiques fassent leurs maths, tous simplement. Evaluez vos efforts de prospection actuels et leurs couts. Et maintenant mettez une opération en place qui aura pour objectif d’obtenir de chacun de vos clients actifs 3 leads qualifiés deux fois par an. Et comparez le taux de conclusion qu’un commercial obtient par une prospection à froid et par une prospection sur base d’une recommandation de qualité. Vous serez simplement bluffés.

Sans compter qu’a l’image des fils du laboureur, vos commerciaux, en retournant le champ de leurs Relation-client pour y trouver le trésor-aux-leads, auront rendu la terre plus fertile et plus propice à y faire croitre durablement la fidélité et la loyauté de vos acheteurs.

Ressuscitons les Vendeurs dans l’Apres-Vente !

Quand comprendrons-nous enfin que l’après-vente appartient pleinement à la Vente ? Il ne s’agit pas d’un autre monde, d’un au-delà, mais de la continuité d’un processus long et riche. De grâce, laissez vos vendeurs s’y impliquer et continuer à étendre, raffermir et les liens personnels qu’ils ont fait naitre et grandir chez vos clients. Aidez-les à cultiver et faire prospérer leur clients au sein de votre organisation plutôt que d’arracher brutalement de leurs mains le fruit réel de leur labeur, la relation de confiance qu’ils ont patiemment établie avec vos clients, pour la confier à de parfaits inconnus invisibles derrière des écrans ou, pire encore, à des machines sans âme. Embarquez vos vendeurs dans vos réflexions et vos chantiers sur l’UX (5) et laissez-les accompagner les clients, jusqu’à les transformer en ambassadeurs de votre entreprise, en générateurs régulier de leads, de recommandations, de conseils et d’innovations.

A l’heure ou votre boite, comme toutes les autres, cherche désespérément LA recette miracle pour créer la meilleure Expérience Client, il est ahurissant de constater le peu d’écoute et de moyens et d’implication qui sont donnés aux seuls qui possèdent une réelle Expérience du Client, vos Vendeurs !

 

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